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AVERTISSEMENT

Amis lecteurs
Je ne fais ce Blog que pour vous faire decouvrir les tresors du Judaisme
Aussi malgre le soin que j'apporte pour mettre le nom de l'auteur et la reference des illustrations sur tous ces textes , il se pourrait que ce soit insuffisant
Je prie donc les auteurs de me le faire savoir et le cas echeant j'enleverais immediatement tous leurs textes
Mon but etant de les faire connaitre uniquement pour la gloire de leurs Auteurs

Meditation sur Pessah



                                         Moses and His People by Marc Chagall


                         Méditation sur Pessa'h



Marc Halévy - van Keymeulen

Pessa'h (hébreu) … Peskha (grec)… Pascha (bas latin) … Pascua (médiéval) … Pâque(s) …
Passage.
Passage de l'autre côté.
Libération hors de l'esclavage. De tous les esclavages.

Les Hébreux qui sont ceux qui nomadisent (le verbe hébreu EBR signifie "traverser, passer, féconder"), passent de l'autre côté (le verbe hébreu PS'H signifie "enjamber, passer par dessus").

Pessa'h : la métaphore absolue de toute métanoïa, de toute initiation, de toute libération.
Moshé en est la figure emblématique.
Moshé … Le verbe MShH en hébreu signifie "tirer de l'eau", mais écrit M-ShH, il pourrait suggérer "celui qui vient (M-) de l'agneau (ShH)".
Agneau pascal … Coïncidence ? Agneau pascal dont le sang sacrifié protègera les premiers nés de la mort promise.
Pessa'h : au-delà de la promesse de mort, promesse de vie.

Les kabbalistes ont noté que le nom de Moïse, MShH, lorsqu'on le renverse en HShM signifie Ha-Shem : "le Nom", qui est le pseudonyme que la Kabbale donne à Dieu, à l'innommable, à l'absolu, à l'ineffable, à l'imprononçable YHWH : le "Devenant".
Métanoïa, encore : retournement de l'homme à la rencontre du divin. Conversion.
En s'inversant, l'homme atteint le divin. En s'inversant !
S'invertir au contraire de (se) divertir ou de (se) subvertir.
Tout divertissement est dévoiement. Toute subversion est stérile.
L'extérieur, qu'il soit mondain ou révolutionnaire, qu'il soit hédoniste ou idéaliste, qu'il soit lénifiant ou luttant, qu'il soit jouissant ou militant, n'apporte aucun salut, aucune rémission, aucun espoir.
Seule l'intériorité sauve. Seule l'intériorité libère.
Et l'intériorité appelle un retournement du regard vers l'intérieur, un renversement, une inversion.

Se sauver, c'est se libérer. Là germe le message crucial de Pessa'h.
Salut et libération sont synonymes.
Mais se sauver de quoi ? De l'illusion, donc de la mort. Car l'illusion des apparences mortelles renvoie à l'apparence illusoire de la mort. La mort n'existe pas puisque la vie est immortelle.
Mais la plupart des animaux humains existent sans vivre. Ils ne sont que mortels c'est-à-dire vagues éphémères à la surface de l'océan du réel. Ils ne connaîtront rien de l'océan et ne se justifient que dans l'écume de leurs propres vagues.
Se libérer, c'est plonger : se sauver dans l'apnée définitive loin des illusoires postures qui "donnent l'air". C'est quitter les "pots de viandes et d'oignons" pour aller affronter le désert.
Passer de la Terre de Mitzraïm et de l'esclavage, au Feu du Sinaï et de la révélation.
De la Terre de l'esclavage au Feu de la révélation, en traversant l'Eau de la mer de joncs que l'Air du vent (Ex.: 14,21) fend en deux.

Traverser la mer et l'eau ; traverser le miroir. Passer de l'autre côté, au-delà des reflets des apparences. Crever la surface et plonger dans les profondeurs. Abandonner toute superficialité. Affronter les abysses. L'eau n'est-elle pas symbole de l'inconscient, des rêves, des ténèbres enfouies, des mémoires perdues ?
"Et ils traversèrent les eaux à pied sec" …
L'eau ne mouille ni ne noie plus dès lors qu'elle n'est que le reflet des illusoires apparences qui n'engloutissent que les Coré et leurs veaux d'or, que les orgueilleux et les ignorants, ceux que les eaux amères de Marah ne désaltèrent pas, ceux que ni les cailles, ni la manne ne rassasient.
Les eaux de l'apparence s'écartent en deux murailles évanescentes dès lors que leur mystère est percé. L'eau est transparence. L'apparence est transparence, insignifiance.

Moshé, Israël et Pharaon ne forment que trois aspects d'une seule et même entité : l'homme sur le chemin de la libération.
Moshé : la rébellion.
Israël : la souffrance.
Pharaon : l'orgueil.
Trois personnages en quête de hauteur.

Le rébellion passe par le meurtre et par la fuite et par la rencontre et par la vocation.
Le meurtre du garde-chiourme : la violence de la colère qui refuse.
La fuite dans le désert : le rejet des hommes et l'érémitisme.
La rencontre du buisson ardent : le révélation mystique, l'extase.
La vocation de libération : l'homme n'est pas libre s'il n'est que partiellement libre.

La souffrance naît de l'absurde : plus de briques avec moins de paille,  plus de morts parce que trop de vies, plus de violence parce que moins de force.
Souffrance n'est pas douleur. La douleur est dans l'instant du réel. La souffrance est dans l'imaginaire et le fantasme, dans la peur d'une douleur possible ou rêvée. Souffrir, c'est avoir peur ; peur de quelque chose qui n'est pas encore ou qui n'est plus. La souffrance n'appartient pas au présent. Elle n'appartient donc pas au réel.

L'orgueil : besoin irrépressible de dominance. Tout n'est qu'objet à accaparer, même la vie, même la pensée. Réponse absurde à la peur. A la peur de manquer. A la peur de souffrir. A la peur de mourir.
Mais que manque à qui ne désire rien ?
Mais que souffre qui ne craint rien ?
Mais qui meurt quand vient le trépas ?

Entre souffrance et orgueil, l'homme s'enlise entre peur et peur.
Se libérer, c'est donc vaincre la peur.
Vaincre toutes les peurs. Tarir la source unique de toutes les peurs.
Ô source mystérieuse et profonde, cachée par sa propre évidence. Eau, encore …
Source unique de toutes les peurs …
Elle s'appelle "ego". S'il y a un "moi", il y a un "autre" qui est potentiellement danger pour le "moi" : là naissent toutes les peurs qui sont toutes peur de l'autre, c'est-à-dire peur de l'inconnu, de cet inconnu qui porte mille noms : après-mort, étranger, dénuement, exil, rupture, vieillissement, transformation, changement, mutation.
Homme : être vivant ambigu qui vit contre la vie qui, elle, est mouvement et changement perpétuels. Animal peureux qui a peur de tout et surtout de lui-même en tant qu'il change, évolue, vieillit, meurt.

Passage donc. Passage au-delà de la peur. Au-delà de toutes les peurs. Dépassement de ce soi qui se cristallise en un ego figé et aveugle, éperdu du rêve de cette fixité absurde qu'il appelle éternité. Ego : dernière bouée où s'accrocher lorsque l'on ne sait pas encore que l'on est vague de l'océan, eau dans l'eau.

La voie s'ouvre d'abord par la rébellion qui est, au plus profond, par priorité, révolte massacreuse contre l'ego. Tuer l'ego. Tuer le garde-chiourme. Sortir radicalement de la peur, de toutes peurs. Entrer dans le flux. Entrer dans le flot. Entrer dans les flots de la mer de joncs. Traverser les flots.
Et de l'autre côté, trouver sa propre vocation dont l'ego ressuscité n'est que l'esclave docile, le servant servile.
Passer de l'effet : l'ego, à la cause : la vocation. Passer de l'apparence à l'intention. Car l'ego n'est que le nom que l'on donne au porteur. Et le porteur ne vit, ne vaut que par ce qu'il porte.
S'il n'est que moyen, que véhicule, qu'ustensile, l'ego n'est plus guère un souci ; pas plus que le tranchoir de pain qui porte les sucs et les fruits de la vie.

Mais, si la rébellion - cette révolte définitive contre les enlisements de la vie dans les boues de l'existence - est indispensable et nécessaire, elle n'est jamais suffisante. Moshé, dans sa fuite, est vite rattrapé par la prospérité, les troupeaux, la fille et la sagesse du bon Yétro qui l'accueille si généreusement.
L'ego se reconstruit vite, même dans le dénuement et la solitude, même dans le désespoir et la misère, même dans l'exil et l'isolement. Il se nourrit sournoisement d'abnégation, de générosité, de sacrifice, de pitié, de commisération, de dévouement. Il n'est pire égoïste que celui qui ne vit que pour autrui. Il faut se méfier des généreux : ce sont des tyrans au nom et sous couvert de l'amour !

Seule une vocation, un appel, une mission peuvent faire dépasser l'ego.
Rencontre avec un buisson ardent …
Rencontre avec le mystère profond de toute vie, de la Vie qui dit : "Tu n'es rien par toi-même, tu ne deviens qu'en servant ce qui te dépasse. Tu ne t'accomplis qu'en accomplissant".

La vocation est écoutée mais refusée dans un premier temps : il y a tant de bonnes et belles raisons de ne pas entreprendre l'âpre chemin de l'accomplissement. Les chemins de la stagnation résignée et de la délectation morose, de la révolte verbale et de l'enlisement nostalgique sont tellement plus aisés.
Mais lorsque l'appel est le plus fort, lorsque l'ego finit par se dissoudre et que se brisent les factices frontières entre "moi" et "autre", que l'océan prime enfin sur ses vagues dérisoires, alors la métanoïa peut commencer, alors la vie éternelle prend le pas sur l'existence éphémère, alors le mouvement transcende toutes les fixités.

Alors, la guerre commence, aussi
La guerre contre l'orgueil de Pharaon. La guerre contre les souffrances d'Israël. La guerre contre toutes les peurs.
Guerre contre l'orgueil, une guerre en dix batailles symboliques. La plus facile. Dix plaies à affronter et à panser. A penser, aussi.
L'orgueil s'effondre dès que l'inconfort s'accroît.
Celui qui a tout perdu n'a plus rien à perdre. Pas même la face.
Guerre contre les souffrances, aussi, qui sont devenues un fond de commerce, une référence de vie, un édredon douillet où l'on se complait en lamentations et apitoiements. Une guerre contre la peur de peiner. Curieux retournement où la souffrance devient jouissance rassurante par l'apitoiement sur soi et sur ce qui se ressemble. Le malheur imaginaire, alimenté par la mémoire des douleurs réelles, se mue en un foyer chaud et doux du connu face à l'inconnu qui guette : mieux vaut rester esclave ici que devenir nomade ailleurs …

Si Moïse symbolise l'âme, cet élan profond, porteur de vocation, qui anime l'existence en vie, ce souffle qui ébranle la matière et la pousse à devenir,
alors Pharaon représente l'orgueilleuse prétention hégémonique de la raison raisonnante, de l'empire de la rationalité, et Israël évoque le cœur qui souffre, cette sensibilité écorchée que les pierres de la barbarie, de la vulgarité et de la bêtise lapident sans trêve.
L'âme, au sortir de sa métanoïa (joli mot grec qui évoque ce qui est au-delà de la connaissance), doit revenir au corps esclave et convaincre l'intellect et la sensibilité, l'esprit et le cœur, la raison et l'intuition, de quitter l'ornière du relatif et de l'éphémère pour partir vers les déserts infinis de l'absolu et de l'intemporel.

Pour vaincre l'intellect rationnel, l'âme transfigurée mène son combat pied à pied : les dix plaies successives d'Égypte en témoigne. Pharaon ne cède que lorsque s'effondre sa propre pérennité : la mort des premiers nés. La raison qui se fige et se fixe devient stérile, négation d'elle-même puisque tout raisonnement est d'abord mouvement, progression, dé-monstration.
L'idée qui ne se propage pas, qui ne prolifère pas, meurt.
Les dix plaies successives construisent une logique d'enchaînement implacable : dès que l'eau devient sang, les grenouilles quittent le Nil pour aller mourir et pourrir, provoquant une invasion de charognards et de vermines qui induisent épidémies et ulcères ; les champs délaissés par les malades sont ravagés par les sauterelles dont les nuages immenses masquent le soleil et portent la nuit au cœur du jour. Au bout du bout, au bout de tout, les enfants meurent et, avec eux, tout espoir d'avenir.
Enchaînements de causes et d'effets : inéluctable mécanique de la rationalité ratiocinante.
Curieuse boucle : tout cet enchaînement commence avec le sang de l'eau du Nil égyptien et se clôt avec l'antidote du sang de l'agneau sur les linteaux des portes hébraïques.
Du sang au sang.
L'eau (du Nil) devient sang pour que le sang mène à l'eau (de la mer de joncs). Dialectique du sang et de l'eau … du vital et de l'océanique … du réel et de l'absolu …
Le sang (du garde-chiourme) abreuve de sable (du chantier) pour que le sable (du désert) vivifie le sang (d'Israël). Dialectique du sang et du sable … de l'élan et de l'inerte …

Vaincre le cœur, la souffrance et la peur n'est pas aussi limpide. Le charisme semble l'emporter facilement, mais la rancœur - le cœur rance - s'installe vite. Le cœur hait l'incertitude parce que le cœur hait la peur et lui préfère tous les esclavages et toutes les souffrances. Moïse convainc le peuple parce qu'il lui offre de nouvelles convictions qu'il prend pour des certitudes, convictions qui semblent moins pénibles que les peines de l'esclavage. Mais la moindre soif, la moindre faim les feront s'effondrer. Le cœur ne résiste guère mais il n'oublie rien. Il se grise de promesses mais ne pardonne rien. Cœur et rancœur sont les deux faces de la même monnaie.

L'homme est ainsi fait que son intellect et sa sensibilité oeuvrent ensemble contre l'ennemi définitif et unique : la peur. L'intellect en s'inventant des vérités rassurantes, le cœur en se tissant des attaches illusoires.
L'âme, face à eux, sermonne et prêche le lâcher-prise, le détachement, le non-agir.
Injonction biblique s'il en est, maintes fois répétées : sors, pars, quitte … La même injonction faite à Adam, à Noa'h, à Abram devenant Abraham, à Jacob devenant Israël, à Moïse et à tout Israël.
Affronter l'inconnu ou se pelotonner dans le connu, même néfaste.
Là germe tout le dilemme central de toute existence : le doute face à la peur.
Qu'ai-je à gagner ? Qu'ai-je à perdre ?
Esclave, je sais ce que j'ai. Fuyard, je ne sais que ce que je n'ai plus.
L'exil est un choix, mais c'est un choix difficile pour celui qui croit qu'il a quelque chose à perdre.
L'existence vulgaire n'est que quête de rassurance.
Rassurance par la continuité, par la fixité, par cette immobilité qui laisse croire à l'éternité.
"Un tien vaut mieux que deux tu l'auras. Ne pas lâcher la proie pour l'ombre". Dictons populaires et sagesse vulgaire.

Face à l'inconnu s'affrontent peur et curiosité, esprit de rassurance et esprit d'aventure.
Dilemme .. Aporie … Angoisse
L'ego a tant à perdre qu'il s'y perd, qu'il se perd. L'ego résiste, par l'intellect et le cœur, aux appels de l'inconnu. Il déteste ses incertitudes. Il les refuse. Et pourtant …
Tout n'est qu'incertitude. La vie elle-même n'est qu'incertitude, pari, aventure, risque. La vie est création continue : on ne trempe jamais deux fois dans le même fleuve.

Esclave, je sais ce que j'ai. Fuyard, je ne sais que ce que je n'ai plus.
Esclave, je sais que je ne suis rien. Nomade, je sais que je deviens.
Dilemme existentiel entre l'avoir et le devenir. Entre possession et vocation.
L'esclave appartient à un lieu. Le nomade, comme l'exilé, n'appartient à aucun. Son enracinement s'ancre ailleurs que dans le sol, ailleurs que dans la matière, ailleurs que dans le territoire.
Le chemineau chemine sur le chemin que crée ses propres pas. Son voyage est sa patrie. Son havresac est toute sa fortune. Il ne peut posséder que ce qu'il peut porter : c'est infime. Il peut périr, mais ne perd pas la vie cependant puisqu'il sait que la vie qui le porte est immortelle et que le chemin fait ne peut s'effacer.

La nuit de Pessa'h est celle de ce passage immense du sédentaire au nomade, de l'esclave à l'exilé, de l'être au devenir.
Passage de ce que l'on croit être à ce que l'on peut devenir.

L'intellect est vaincu, le cœur s'abandonne, l'âme triomphe. Moïse traverse la mer de joncs avec sa horde palpitante. Pharaon veut le poursuivre, l'arrêter : il s'enlise à jamais. L'intellect, la raison, la rationalité ont atteint leur limite. Ils ne passeront pas au-delà. Ils ne peuvent assumer l'indicible. Ils sont impuissants face à ce qui dépasse tous les mots et tous les concepts. Seul le cœur, s'il est confiant, pourra suivre l'âme sur ces chemins-là, dans ces déserts-là, vers ces montagnes-là.
Débarrassée des fausses certitudes, l'errance peut commencer !

noetique.eu

1 commentaire:

Anonyme a dit…

merci pour cette lecture et ce décodage pronfond

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